La Réalité Augmentée (AR) est de plus en plus présente dans le secteur industriel. Cette technologie permet de superposer des instructions de travail dans le champ de vision d’un opérateur pour le guider dans sa tâche. Les cas d’usage se multiplient, notamment grâce à des solutions de plus en plus matures. Découvrez ces usages à travers l’expertise de Philippe Boulanger, dirigeant fondateur d’innoteo, lors de la table ronde filmée au SIDO 2023 avec Orange et Volvo.
La démarche d’innoteo pour l’industrie 4.0
Innoteo, ESN fondée il y a 10 ans dans les Hauts-De-France, est aujourd’hui pionnière dans les solutions prêtes à l’emploi pour les industriels en Réalité Augmentée et Réalité Mixte. L’arrivée du casque de Réalité Mixte HoloLens de Microsoft en 2018 marque un tournant, offrant un support robuste et concret pour accueillir diverses applications industrielles. C’est en remportant un appel d’offre avec HoloLens pour un site de production français d’un grand groupe en 2018 que le virage s’opère. Innoteo décèle alors les nombreuses possibilités et valeurs ajoutées apportées par l’immersif dans l’industrie.
Les principaux cas d’usage répertoriés sont la formation et la maintenance autonome. La technologie permet de guider les techniciens dans leurs tâches aux quotidiens avec des indications visuelles, montrant où et comment effectuer chaque action. On parle également d’« Homme Augmenté », la technologie décuplant les sens et analyses d’un humain en lui affichant toute sorte d’informations pertinentes et contextuelles.
Le lancement de ces technologies s’est effectué pendant la période COVID, avec un fort besoin d’intervenir à distance et faciliter les opérations. L’objectif était également de rendre accessible ces technologies, en facilitant leur déploiement et leur usage au quotidien. Pour répondre à ces enjeux, Innoteo propose la solution prête à l’emploi Dimeo, permettant à toute entreprise de créer et diffuser facilement ses procédures sous la forme de guides interactifs en Réalité Augmentée.
« Notre approche a été de faciliter le déploiement de ces technologies à travers une solution simple répondant à un besoin concret. Les industriels rencontraient des problématiques de digitalisation et de transmission du savoir-faire, nous avons donc créé Dimeo. »
Philippe Boulanger, CEO d’Innoteo
Les clés pour favoriser l’adoption de la Réalité Augmentée
Les entreprises cherchent aujourd’hui des solutions et technologies pour répondre à des besoins métiers concrets. La Réalité Augmentée est une possibilité parmi tant d’autres, nécessitant toutefois une prise en main par les équipes au vu des nouveaux usages offerts. Philippe revient sur les clés ayant permis un déploiement réussi de la Réalité Augmentée dans l’industrie en France.
La première clé est la simplicité d’utilisation. La technologie doit apporter une aide supplémentaire. Si elle est trop compliquée à utiliser ou mettre en place, alors l’apport en sera amoindri. Il est important d’avoir des solutions très simples à utiliser et ludiques, guidant l’utilisateur avec des aides visuelles faciles à comprendre et ancrées dans son environnement métier. Par exemple, la navigation sur HoloLens peut se faire à l’aide de gestes naturels, commandes vocales, ou au regard (EyeTracking) ce qui facilite grandement sa prise en main en s’adaptant à son utilisateur.
La deuxième clé est l’autonomie à l’usage. Permettre à l’entreprise d’utiliser et diffuser en interne ces technologies et leurs contenus en totale autonomie est un réel besoin. Les équipes peuvent ainsi prendre en main la technologie AR pour différents usages et créer eux-mêmes du contenu axé sur leurs besoins métiers, sans nécessité de nouvelles prestations externes.
La troisième clé est le fonctionnement sans réseau. Les environnements industriels sont souvent dépourvus de réseau internet, certains ayant parfois une connexion instable ou ultra sécurisée. Avoir une solution fonctionnant sans aucune connexion internet permet un usage tout terrain, facilitant son déploiement. Ces sujets sont notamment portés par des entreprises travaillant pour le secret défense, où aucune connexion internet ou externe n’est autorisée afin de protéger leurs données.
« La connexion réseau est une contrainte pour beaucoup d’entreprises. En proposant une solution fonctionnant sans connexion internet, on assure une portabilité de ces usages dans n’importe quel environnement de travail, que ce soit un atelier, un sous-terrain ou en pleine campagne. »
Philippe Boulanger, CEO d’Innoteo
Créer et diffuser du contenu facilement en Réalité Augmentée
La Réalité Augmentée a besoin de contenu, aussi bluffante et efficace soit-elle, c’est ce qui permet à la technologie d’être vue comme un outil efficace. Philippe Boulanger revient sur l’importance portée à la simplicité de création de contenu, afin de faciliter le déploiement de ces technologies immersives : « Pour que ces technologies fonctionnent, il faut du contenu. Le client peut aujourd’hui créer ce contenu en Réalité Augmentée facilement et en totale autonomie avec des outils simples. »
Le contenu est souvent créé par un formateur ou alternant, devant un PC ou sur le terrain. Il suffit d’expliquer étape par étape avec du texte et des médias les manipulations à réaliser pour créer un scénario immersif. Cependant, ces personnes n’ont pas toujours la connaissance métier, et doivent généralement solliciter un expert pour expliquer ces différentes manipulations. Malheureusement, cet expert n’est pas toujours disponible, ce qui peut impacter la digitalisation. Dimeo peut alors servir d’intermédiaire et résoudre ce problème. L’application permet de capter facilement le savoir de l’expert, afin de fournir une base de travail au concepteur.
Ce contenu doit également être accessible, pour être facilement utilisé. La Réalité Augmentée est portée aujourd’hui sur des lunettes, mais aussi des tablettes et smartphones. Ces outils sont connus de tous et facilitent l’accès aux procédures digitalisées conçues par l’entreprise. Il est également possible d’exporter ce savoir-faire numérisé avec Dimeo au format PDF, moins interactif mais plus universel. L’export multi-support des procédures permet d’en garantir l’accessibilité pour tous.
L’intelligence artificielle (IA) joue un rôle clé dans la facilité de création de contenu. Philippe mentionne ici la nouvelle application mobile Dimeo Recorder, qui permet de créer un mode opératoire en commentant ses actions sur le terrain. L’IA va alors analyser les commentaires audio, photo et vidéo fournis par l’expert, pour générer automatiquement un module de formation ou de maintenance prêt à l’emploi.
« Pour faciliter la création de contenu, nous avons dorénavant une intelligence artificielle qui capte les commentaires d’un expert en pleine action, pour générer automatiquement un module de formation structuré et prêt à l’emploi. »
Philippe Boulanger, CEO d’Innoteo
L’industrialisation de l’AR dans les grands groupes
Le 1er exemple cité est Saint-Gobain pour le démarrage de machines complexes. Tous les lundis matin, la procédure de démarrage était peu intuitive et pouvant engendrer des erreurs et retards de production. La solution apportée par Innoteo a permis aux équipes de digitaliser les procédures complexes en modules intuitifs pour assister les opérateurs. La Réalité Augmentée apporte ainsi un guidage visuel, précis et fiable, permettant de réaliser la procédure sans erreur. Cette mise en place s’est traduite par un gain de 2h de production par semaine.
D’autres entreprises utilisent ces solutions pour sensibiliser à la sécurité. Chez Framatome, chaque nouvel arrivant apprend les bons comportements en atelier grâce au casque HoloLens. Un module Dimeo leur illustre en Réalité Augmentée les procédures HSE (Hygiène Sécurité Environnement). Par exemple : Les gestes à réaliser, les EPI à porter, ou encore les zones dangereuses sur chaque machine. Les PowerPoint en salle laissent placent à une formation interactive et contextualisée dans l’atelier, avec un contrôle des acquis intégré.
Ces technologies offrent également des visites guidées pour découvrir l’atelier. Chez Miko, la formation des nouveaux arrivants au service qualité se faisait en vidéo, pour sensibiliser aux risques et aux fonctionnements des machines. Dorénavant, le casque HoloLens leur offre une visite guidée interactive, en mettant en surbrillance les différents points d’intérêt dans l’atelier, avec un tracé de flèches au sol pour guider leurs mouvements. L’arrivée devant chaque machine déclenche l’affichage d’informations textuelles et multimédias pour comprendre son fonctionnement et les opérations liées.
Ces technologies facilitent également la digitalisation et le transfert des connaissances. Chez EDF, plusieurs machines complexes ont des procédures de maintenance peu documentées ou accessibles. Les quelques personnes connaissant la procédure doivent alors se déplacer sur site pour réaliser l’opération. Dorénavant, une personne peut suivre l’expert pour enregistrer ses actions en temps réel avec Dimeo Recorder. L’application génère en quelques minutes un module prêt à l’emploi, afin de digitaliser et conserver ce savoir-faire. Cela permet d’historiser facilement les connaissances en format numérique, pour les ressortir en cas de besoins critiques.
« Quand un changement de format est fait pendant 10 ans par la même personne, et que cette personne quitte l’entreprise, il est impératif d’historiser ce savoir pour continuer la production. Ces technologies facilitent la conservation et harmonisation des connaissances pour les rendre accessibles à tous. »
Philippe Boulanger, CEO d’Innoteo
Le déploiement de l’AR au sein des PME et centres éducatifs
Les PME s’équipent également pour créer leur propre école de formation interne. C’est le cas de Setforge qui a créé avec Dimeo sa Setforge Academy, offrant un parcours pédagogique pour former les nouveaux arrivants. Les équipes digitalisent au fur et à mesure leurs procédures en modules Dimeo depuis un an. Les apprenants peuvent ensuite jouer ces modules pour apprendre à réaliser les différentes actions métiers en totale autonomie. Les experts peuvent ainsi transmettre facilement leurs connaissances avant de partir à la retraite, représentant un vrai gain dans la capitalisation des savoir-faire de l’entreprise.
Ces solutions équipent également des entreprises de maintenance de matériels agricoles. Ces sociétés travaillent souvent dans les champs, un milieu où la couverture réseau est au plus bas. Les techniciens peuvent ainsi accéder à l’ensemble de leur documentation grâce à ces solutions embarquées sans réseau, les guidant pas à pas dans le diagnostic et les opérations à effectuer. Un module Dimeo pose ainsi plusieurs questions au technicien afin de cibler la panne, affichant ensuite les étapes à réaliser pour la réparer en totale autonomie.
Enfin, ces technologies équipent plusieurs centres éducatifs. L’objectif est de former les jeunes générations d’ingénieurs méthodes et opérateurs industriels, qui seront amenés à utiliser ces technologies dans leur futur métier industriel. Les centres CESI forment leurs ingénieurs à la digitalisation des procédures à travers l’outil Dimeo, pour faciliter le cadre de travail avec un outil les invitant à synthétiser au mieux leurs actions. Les UIMM sensibilisent les jeunes aux métiers de l’industrie à travers des mises en situations augmentées. Plusieurs universités et chambres de commerces réalisent également des TP avec Dimeo pour former les apprenants sur des tâches complexes.
« Les centres éducatifs forment les jeunes générations à l’utilisation de ces nouvelles technologies, qu’ils retrouveront demain dans l’industrie. Elles apportent un formalisme dans la digitalisation des connaissances, notamment recherché dans les formations d’ingénieurs process et méthodes. »
Philippe Boulanger, CEO d’Innoteo
Quel est le retour sur investissement (ROI) de l’AR ?
Les entreprises cherchent constamment des retours sur investissements avec ces technologies. Cette étape est importante pour montrer l’apport concret de ces solutions avant de déclencher l’équipement d’un site pilote ou une industrialisation. Philippe Boulanger mentionne alors les intérêts financiers et qualitatifs souvent remontés : Former plus rapidement, améliorer la productivité, réduire les erreurs et pannes en ateliers, éviter la perte de compétences, ou encore améliorer l’image de marque. La digitalisation au sens large permet de faciliter la réalisation de nombreuses actions, se traduisant par une plus grande performance opérationnelle. La multiplication de ces cas d’usage permet souvent de rentabiliser rapidement cet investissement.
La Réalité Augmentée offrant de nombreuses possibilités, elle permet de multiplier les cas d’usage. Ces cas d’usage sont directement identifiés par les équipes métiers, en essayant ces technologies pour se projeter sur les usages pouvant être facilités. Pour cela, la réalisation d’un PoC sur site est vivement recommandée, permettant aux équipes de tester la technologie avant l’investissement. Ces PoC (Proof of Concept) consistent en la digitalisation d’une procédure client avec les équipes. Ce premier essai permet de les sensibiliser à la création de contenu sur une ou plusieurs journées. Les participants peuvent ainsi observer et tester un rendu concret, pour se projeter plus facilement dans leurs usages quotidiens.
Un déploiement progressif est recommandé pour rentabiliser au mieux ces usages,. Les entreprises équipent généralement quelques sites pilotes sur des thématiques précises afin de juger l’intérêt avant d’industrialiser au sens plus large ces technologies de rupture. Les alternatives tablettes et smartphones permettent de rendre ces technologies accessibles à moindre coût, l’investissement plus conséquent d’un casque pouvant représenter une seconde étape pour gagner en confort et efficacité. Ce déploiement implique de nombreux facteurs et diffère d’une entreprise à l’autre, d’où l’importance d’une entreprise pour accompagner ce changement.
« Les entreprises cherchent constamment des retours sur investissements avec ces technologies. Faciliter la digitalisation et la diffusion des savoir-faire pour rendre les opérations plus rapides, plus fluides et sans erreurs est l’un des constats immédiats. Nous les accompagnons dans ces réflexions. »
Philippe Boulanger, CEO d’Innoteo
Le futur de l’AR : Homme augmenté & Métavers industriel
Pour Philippe Boulanger, nous n’en sommes qu’au début du déploiement de ces technologies. Ces solutions commencent à être intégrées aux systèmes d’information des entreprises. Chaque action effectuée en Réalité Augmentée peut donc être remontée automatiquement pour en assurer le suivi. Cela permet de synchroniser les modules de formation avec les LMS (Learning Management System), ou encore les opérations de maintenance avec les GMAO (Gestion de maintenance assistée par ordinateur), mais aussi le pilotage de la production avec les MES (Manufacturing Execution System).
Les données peuvent ensuite être traitées dans des outils d’analyse décisionnel, comme Microsoft Power BI. Ces outils permettent d’aider à la prise de décision et d’identifier les risques à partir de données terrains. L’équipement des opérateurs permet d’assurer un suivi sans faille à chaque instant. Le suivi peut ainsi se faire via un monitoring automatique et connecté, ou manuel et déporté. Ces outils permettent par exemple d’effectuer une ronde de maintenance ou un audit d’un simple regard sur les machines. L’utilisation des technologies de reconnaissance d’images par l’IA (Pattern Matching) y est particulièrement adapté.
La prochaine étape est l’homme augmenté et le métavers industriel. Ces termes désignent l’intégration complète de la Réalité Augmentée dans les usages quotidiens et l’environnement des opérateurs. Avec ses lunettes augmentées, l’opérateur pourra visualiser en un instant l’état des machines connectées en IoT. En cas de problème, la machine pourra déclencher automatiquement une procédure de maintenance. L’opérateur averti pourra ainsi résoudre la panne sans attendre avec une télémaintenance ou l’affichage d’un guide visuel. Chaque information sera accessible rapidement, permettant aux opérateurs d’agir rapidement en toute sécurité.
« D’ici quelques années, les lunettes de Réalité Augmentée feront partie des équipements standards en entreprise au même titre que les EPI. Chaque opérateur pourra solliciter une assistance à distance ou une aide visuelle pour le guider sur différentes tâches. On parle alors d’homme augmenté. »
Philippe Boulanger, CEO d’Innoteo